La taille compte, mais pas seulement

La taille compte, mais pas seulement

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Dans le n°152 de L’Aquarium à la maison, je vous propose un article sur « Des poissons [d’eau douce] dans 50 litres d’eau ». Il n’est pas question ici de répéter ce qui est déjà écrit dans le magazine, mais plutôt de méditer sur ce fameux choix d’espèces.

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Ainsi, on a coutume de s’imaginer que la première chose à penser, lorsque l’on choisit (enfin !) les poissons qui vont animer le nano ou autre aquarium de petit volume nouvellement installé, c’est forcément la taille. Ce n’est pas faux, ai-je envie de vous dire. En revanche, ce qui est totalement erroné, c’est de se fier à ce seul critère.

Pour ma part, j’ai toujours été surpris de voir la formule qui consiste à dire (et cela, sans prendre de pincettes) que « pour un litre d’eau net dans l’aquarium, on peut mettre 1 cm de poisson ». Comprenez : si vous avez par exemple un volume net de 50 litres et que vous voulez y inclure uniquement des néons bleus (Paracheirodon innesi), vous allez donc diviser le nombre de litres par la taille totale de cette espèce afin de savoir combien d’individus peuvent être accueillis. À noter que je préfère toujours maintenir des néons bleus dans un volume d’au moins 75 litres bruts, voire carrément 96 L. Cette espèce s’épanouit bien mieux quand elle a de la place !

Pour revenir à notre exemple, cela donne le calcul suivant :

50 (litres) / 3 (cm ; caudale incluse et en prenant une taille moyenne entre la femelle plus grande et le mâle plus petit… et oui, il faut y penser, aussi !) = 16,66 néons !

Vu qu’il est impossible d’inclure un demi-néon, on devrait théoriquement (et j’insiste sur ce terme !) partir sur 16 spécimens plutôt que 17. Évitez toujours de majorer le nombre de poissons à inclure dans un bac.

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Malgré sa petite taille, le néon bleu (Paracheirodon innesi) ne peut être accueilli n'importe comment dans un aquarium de faible volume.
Photo : Axel Senaffe

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Les autres facteurs

Dans l’exemple ci-dessus avec un poisson de si petite taille, on pourrait apparemment majorer, surtout si vous êtes très rigoureux sur les changements d’eau et l’entretien du bac. Mais il y a aussi le comportement de cette espèce, et sa capacité à tolérer un environnement exigu et par conséquent la pollution. Donc, ce serait plutôt : 15 néons bleus dans 50 litres nets (le mieux étant plutôt 30 dans 100 L nets) ; et pour un aquariophile néophyte, on réduirait même à 12 individus (ou mieux, 25 dans 100 L nets). Car lorsque l’on débute, on peut avoir tendance à trop nourrir ou mal gérer l’entretien de l’aquarium (changements d’eau – « ah bon, il faut en faire ? » – gestion du filtre, etc.). Quand la population du bac est à la limite de la saturation, la moindre erreur a un impact bien plus important. Tandis que dans un aquarium peu rempli de poissons, ou de manière raisonnable, la population supporte mieux ces premières erreurs bien compréhensibles.

C’est bien tout le problème avec cette formule : elle « oublie » complètement l’aspect biologique et les besoins physiologiques de l’espèce ! Et encore, par simplicité, j’ai choisi de vous parler précédemment d’une maintenance monospécifique (une seule espèce de poisson dans l’aquarium). Amusez-vous maintenant à refaire le même calcul, mais dans 200 L et avec quatre espèces à la morphologie et au comportement différents. Oui, il est très simple de faire un calcul en exploitant la taille des poissons en rapport avec le volume du bac. En revanche, utilisé ainsi sans prendre en compte d’autres critères, c’est du pifomètre dans 80 % des cas au moins.

Pour reprendre cet exemple, plutôt que des néons bleus, prenons donc du « guppy » wingei (Poecilia wingei) ou l’un de ses hybrides comme le « Endler ». La taille est à peu près la même. Mais ici, on est avec un poisson bien plus résistant à la pollution et qui tolère sans problème une grande promiscuité. Au contraire, il affectionne même d’être ainsi en groupe nombreux ! Donc, même pour un débutant, une vingtaine de wingei ou affilié dans 50 litres nets ne me choque pas. En revanche, je me permettrais de signaler qu’il faudra tout de même songer à une future surpopulation inéluctable, étant donné le caractère prolifique de l’espèce ! Pensez-y, surtout. Certains vous diront : « c’est simple, tu ne mets que des mâles ». Pourquoi pas ? Mais à mon sens, l’aquariophilie ne se résume pas à seulement accueillir des poissons dans un aquarium. C’est aussi essayer de respecter un maximum les exigences d’une espèce. Dans le cas du wingei, où mâles et femelles se côtoient sans problème, je ne vois pas trop l’intérêt de pratiquer une telle ségrégation.

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Net Vs. Brut

Attention, Vous débutez et ne savez pas quelle est la différence entre le volume brut et le volume net ? Le volume brut correspond à celui de l’aquarium vide. Par exemple, une cuve qui fait 60 x 30 x 30 cm aura ainsi 54 litres bruts (L x P x H / 1000). Mais une fois le décor inerte (racines, roches, sable) et l’équipement (chauffage, filtre) installés dans le bac, vous perdez plusieurs litres. On arrive grosso modo à 45-48 litres environ, tout dépendant du décor et bien sûr du matériel utilisés.

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 Gare à la taille

Un poisson petit n’est pas forcément adapté à un petit aquarium. Prenons l’exemple des Cichlidés nains. Si les Apistogramma et autres sont tout à fait aptes à être accueillis dans un volume relativement modeste, ce n’est pas forcément le cas de tous. Ainsi, provenant du continent africain, il y a Nanochromis transvestitus : si certains indiquent héberger un couple de ce Cichlidé dans 50 litres nets sans aucun problème, d’autres signalent que c’est une catastrophe dans moins de 200 litres ! Comme chez les humains, les poissons peuvent avoir leur caractère. Donc, avec ce type d’espèces où le comportement peut varier d’un individu à l’autre, on s’abstient. Même si leur taille et leurs exigences en matière de qualité d’eau pourraient laisser supposer une compatibilité dans un petit volume.

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Ça bouge ou ça bouge pas ?

Autre critère totalement ignoré par notre formule magique (mais pas tant que ça) : l’activité des poissons. On ne va ainsi pas accueillir des néons bleus comme on accueillerait par exemple des danios zébrés (Danio rerio) ! Ces derniers sont infatigables, à tel point qu’on se demande même s’ils ne refilent pas mal au crâne aux autres pensionnaires de l’aquarium. Donc, malgré sa taille à peine plus grande que le néon bleu, c’est très simple, je place ce poisson directement dans un bac de 96 litres bruts minimum. Et encore… le mieux étant un volume de 120 à 300 litres, par exemple dans un aquarium géographique dédié à l’Asie au sens large.

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Mais on fait quoi, alors ?

Je vous rassure : cette formule, bien qu’approximative, n’est pas à rejeter. Mais vous ne devez pas l’utiliser sans prendre en compte au minimum les points suivants :

-la tolérance de l’espèce à la qualité de l’eau (et à la promiscuité) ;

-l’agressivité

-le mode de nage (hyperactif ou plutôt zen ?).

Ainsi, quand vous avez des poissons hyperactifs, c’est très simple : vous minorez le nombre de poissons obtenu selon la formule. D’une manière générale, c’est un bon réflexe à avoir : toujours avoir moins de poissons que trop. Vous verrez que l’aquarium est bien plus facile à gérer.

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Philippe Chevoleau

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